Roman : Grindadráp • Caryl Férey

Chronique Roman : Grindadráp • Caryl Férey

CARYL FÉREY ET SON ROMAN GRINDADRÁP :
UNE PLONGÉE DANS LE CONFLIT ÉCOLOGIQUE


Plongée au cœur d’un combat aussi ancien que controversé, Grindadráp de Caryl Férey nous emmène dans les eaux glaciales de l’Atlantique Nord, où la chasse à la baleine se heurte à l’activisme radical des militants écologistes. À travers une enquête policière et des personnages aux prises avec leurs démons, ce roman mêle thriller, drame humain et engagement écologique. Dans cet univers sauvage, marqué par la violence des hommes et la colère des éléments, Caryl Férey explore avec force les tensions entre traditions ancestrales et urgences environnementales. Voici un roman intense, dur, mais nécessaire.



Chronique Roman : • Grindadráp • Caryl Férey


Le roman s'ouvre sur Julia, cheffe de mission pour Sea Shepherd France, fidèle à sa ligne de combat contre le braconnage en haute mer. Sa mission : constituer un équipage pour une campagne en Atlantique Nord, direction l’Islande, afin de protéger les cachalots d’un navire-usine norvégien, le Skeid — un immense bateau équipé de chaluts monstrueux, responsable de la chasse illégale aux baleines.

Parmi l’équipage du Mogwai, qui réunit seize membres de sept nationalités, se trouve Gab, un plongeur de 30 ans, ancien apnéiste solitaire, qui accepte cette mission sans hésitation, n’ayant plus vraiment de repères sur terre. Le capitaine du navire, Ayleen Flaherty, est une femme au cœur noir, profondément engagée dans la cause Sea Shepherd, pour qui sauver les baleines est une question d’humanité.

L’équipage doit traquer le Skeid dans un environnement hostile, entre tempêtes, brouillards et eaux glacées. Les tensions, le froid et la mer déchaînée rendent la mission d’autant plus périlleuse.

Pendant ce temps, aux îles Féroé, le policier Soren Barentsen, ancien officier des homicides de Copenhague, exilé là pour se reconstruire après un traumatisme, enquête sur la mort mystérieuse de Bent Hansen. À 66 ans, ce dernier était une figure importante, président de l’Association des baleiniers féroïens et ancien ministre de la Pêche. Son corps déchiqueté et retrouvé en mer soulève beaucoup de questions, d’autant plus que sa présence au milieu des baleines-pilotes paraît étrange.

Soren, homme taciturne mais déterminé, doit faire face à une communauté féroïenne sur le point de basculer : la mort de Bent Hansen alimente les rumeurs et les tensions. Il fait aussi la connaissance d’Eirika Novak, rédactrice en chef du seul quotidien local, prête à enquêter avec lui sous condition de garder le silence temporaire.

Alors que la tempête se déchaîne, plongeant l’archipel dans le chaos — avec des digues brisées, des bateaux détruits et des maisons isolées —, les destins de Soren, Eirika, Ayleen et Gab se croisent. Malgré le danger, les tempêtes et la violence de la nature, ils se retrouvent liés dans cette lutte commune pour la survie et la vérité.


Chronique Roman : Grindadráp • Caryl Férey

Avis Roman : • Grindadráp • Caryl Férey


Le récit s’enfonce longuement dans l’univers du chaos : tempêtes dévastatrices, froid glacial, pluie incessante, mer démontée… Ces éléments naturels créent une atmosphère oppressante, où la survie est constamment mise à l’épreuve. La mer agit presque comme un personnage à part entière, rappelant la fragilité des hommes face aux forces déchaînées. Ce cadre symbolise aussi le dérèglement global qui touche la planète.

Au-delà de la simple dénonciation de la cruauté, le roman présente la chasse comme un combat complexe entre traditions anciennes et engagement écologique moderne. La chaîne industrielle de la chasse, son impact sur la reproduction des cétacés, et les luttes économiques sont abordés sans manichéisme, ce qui rend le récit d’autant plus profond. On sent la tension entre respect de la nature et survie culturelle, notamment aux îles Féroé.

Il y a confrontation entre les militants écologistes radicaux et les chasseurs, souvent perçus comme des criminels par les premiers, qui donne un souffle politique au roman, montrant les combats extrêmes auxquels se heurtent ceux qui défendent la vie marine.

La tempête qui ravage les îles, les inondations, les raz-de-marée, les tremblements de terre : tous ces éléments illustrent le déséquilibre dramatique de notre planète. Cette imagerie apocalyptique agit comme un avertissement puissant. L’auteur semble nous dire que la nature, loin d’être éternelle et invincible, est aujourd’hui en crise, et que ces catastrophes sont les signes d’un futur incertain. Avec un fond de mort présent que ce soit celle des baleines ou celle de personnages humains. Le danger est partout, dans la nature comme dans les relations humaines, renforçant l’atmosphère tendue.

Malgré la violence, la tempête et la mort, le roman n’oublie pas l’humanité : la relation entre Ayleen et Gab, leur solidarité, leur amour naissant apportent une touche d’espoir. Cette humanité fragile au cœur du chaos rend le récit plus nuancé, rappelant que même dans les pires conditions, la vie et les émotions survivent.

Même si j’ai eu un peu de mal à entrer pleinement dans l’histoire, notamment à cause de son rythme parfois lent et de la répétition des descriptions du froid et de la pluie, Grindadráp reste un roman puissant et engagé. Son focus très marqué sur l’écologie, le combat des militants contre des pratiques ancestrales et cruelles, ainsi que la plongée dans cet univers rude et implacable, en font une lecture importante. Ce livre invite à réfléchir profondément sur notre rapport à la nature, sur les traditions qui résistent au temps, et sur les défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Un bon roman à lire pour qui veut comprendre les enjeux actuels liés à la protection des océans et des espèces menacées.



Extraits Roman : • Grindadráp • Caryl Férey


Go! Go! on hurle depuis le pont, le zodiac tombe d'un bloc sur les crêtes écumantes, Julia se cramponne au moteur qu'elle démarre dans la foulée, son équipier détache les câbles qui les tiennent encore en équilibre. La synchronisation aurait été parfaite si l'un des filins n'était pas resté bloqué au treuil de la grue. Le zodiac pique aussitôt de l'avant, créant une brève panique à bord. Voyant qu'ils vont se faire traîner et probablement sombrer, Piotr se précipite sur le treuil pour libérer le câble récalcitrant, y parvient malgré l'inclinaison impossible, mais il n'a pas le temps de se dégager du fouet d'acier ; sous l'effet conjugué de la vitesse et de la pression, le filin siffle sous le nez du Tchèque, épargne son visage mais pas sa main, emportée par la trajectoire de l'acier.

S'il n'y a pas de quotas officiels, en moyenne, environ huit cents dauphins sont tués durant les trois mois d'été où les grinds sont autorisés. Une chasse peut parfois regrouper quelques centaines d'individus, la plupart du temps beaucoup moins, mais Soren ne s'est pas préparé à une telle orgie : les cétacés sont mille, deux mille, tant de nageoires caudales fendant les flots agités qu'il est impossible de les dénombrer. La baie entière est noire d'animaux, les dizaines de bateaux qui les ont rabattus forment une masse compacte dans leur dos, infranchissable, et pour leurs sonars, effrayante ; les hommes tapent contre les coques dans un tintamarre de kermesse, agitent cloches et crécelles, s'époumonent dans des sifflets et des cornes de brume, poussant les cétacés à fuir devant eux et, bientôt, à s'échouer sur le rivage, où les tueurs les attendent. La meute armée de couteaux se précipite vers les victimes sous les cris perçants des bêtes paniquées. Que se disentelles ?

J’ai ai toujours un peu mal au cœur quand je croise une femme enceinte : donner la vie à un enfant pour qu'il voie les démocraties s'écrouler devant la xénophobie identitaire et la guerre, les températures augmenter plus vite que prévu, les aléas climatiques semer le chaos, des millions de migrants se faire tuer ou jeter dans des camps de réfugiés, comme le jour où le Bangladesh submergé verra sa population se presser contre le mur hérissé de mitrailleuses que l'Inde a dressé à la frontière pour les repousser, la panique générale face au désastre mille fois annoncé… Génération No future, sans le punk.

Les dégâts provoqués par la tempête sont ma seule préoccupation pour le moment ; douze personnes sont mortes, au moins le double sont portées disparues, il y a des dizaines de blessés et on n'a pas encore les chiffres de toutes les autres îles. Cette catastrophe va coûter des milliards de couronnes, avance Heri en agitant les mains. Le port de Tórshavn est détruit, comme des dizaines de bateaux de pêche, de chalutiers, un ferry, sans compter les magasins et les maisons aux toits ou aux fenêtres arrachés, les bateaux de plaisance et les véhicules qui n'ont pas été mis à l'abri à temps. Tout l'archipel a été ravagé, enchaîne-t-il, jusqu'aux parcs d'élevage de la Pêcherie. Les routes sont jonchées de voitures accidentées ou de cadavres de moutons, et cette fichue météo nous coupe du reste du monde alors que nous avons besoin d'aide. La mort du vieux Hansen me désole, croyez-moi, mais j'ai malheureusement d'autres soucis !



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