Ichthus : Quand la foi devient une cible
Ichthus, roman de Frédéric Somon, nous entraîne dans une série de meurtres glaçants perpétrés contre des hommes de foi, plongeant les lecteurs au cœur d’une enquête complexe menée par la gendarmerie. Ichthus nous plonge dans une intrigue où chaque détail compte, où la vérité se cache derrière des symboles religieux, et où les apparences peuvent être trompeuses.
Chronique Roman : Ichthus • Frederic Somon
Le roman commence dans la petite commune de Brignais, où le père Quentin Verdier, un prêtre âgé de 70 ans, est retrouvé sauvagement assassiné dans son église. Homme discret et bienveillant, il était apprécié par ses paroissiens et n’avait jamais fait l’objet de la moindre plainte. Pourtant, c’est dans une scène macabre que son corps est découvert : torturé, déshabillé et décapité, ses mains clouées au banc de l’église, et une inscription en latin, Ultionem Dei (la vengeance de Dieu), gravée sur son torse. La mise en scène rappelle les tortures subies par les premiers chrétiens, et l’horreur de ce crime secoue la communauté religieuse et les enquêteurs.
L’affaire est confiée à Clotilde Roumieu, capitaine de la gendarmerie de Lyon, épaulée par une équipe expérimentée, dont l’adjudant-chef Jean-Baptiste Rivière (dit JB), Stéphanie Rousseau, Dominique Deschamps et le lieutenant stagiaire Macaire Dembélé, récemment venu de la gendarmerie congolaise. Très vite, ils comprennent qu’ils n’ont pas affaire à un meurtre isolé. En fouillant le passé du prêtre, ils explorent des pistes de vengeance personnelle ou de troubles psychiatriques, mais la brutalité et la symbolique religieuse de l’acte les amènent à envisager des motivations plus profondes. Terrorisme islamiste, acte d’un déséquilibré, ou crime lié à un passé caché du prêtre, toutes les hypothèses sont explorées, y compris la possibilité d’abus pédophiles.
L’enquête piétine jusqu’à ce qu’un deuxième prêtre soit découvert assassiné dans des circonstances similaires. Cette fois encore, la mise en scène macabre est centrée autour de motifs religieux : crucifixion symbolique, torture, et une étrange signature laissée par le tueur. Des symboles mystérieux, tels qu’un poisson stylisé formé par deux arcs de cercle et des inscriptions énigmatiques comme "V33" ou "V45", sont gravés sur les lieux du crime. Ce poisson, *Ichthus* en grec, était un symbole des premiers chrétiens, ce qui intrigue encore plus les enquêteurs.
Très vite l'équipe comprend qu’ils ont affaire à un tueur en série méthodique, organisé, et probablement motivé par une forme déviante de fanatisme religieux. Mais malgré leurs efforts pour déchiffrer les indices, chaque nouvelle piste semble les éloigner un peu plus de la vérité. Au fur et à mesure que l'enquête progresse, des liens avec des affaires plus anciennes, des conflits passés et des éléments de propagande djihadiste en Irak et en Syrie apparaissent, brouillant encore plus les pistes.
Les personnages sont torturés par leur propre passé. Certains sont en proie à des tourments intérieurs, à des souvenirs douloureux ou à des secrets inavouables. Leurs failles personnelles les rendent vulnérables face à cette série de crimes atroces, et les conduisent à remettre en question leurs certitudes, notamment sur la foi et la justice.
Avis Roman : Ichthus • Frederic Somon
Mon avis sur Ichthus de Frédéric Somon est assez partagé, car le roman oscille entre des moments captivants et d'autres qui m'ont moins convaincue.
L’un des éléments rafraîchissants est sans aucun doute le personnage de Macaire Dembélé, le lieutenant stagiaire venu de la gendarmerie congolaise. Ses expressions colorées et son attitude décalée apportent une touche pétillante et légère à une intrigue qui se veut sombre et intense. Il ajoute une vraie fraîcheur au récit, mais malheureusement, il n’occupe pas une place centrale dans l’histoire et disparaît trop rapidement.
Frederic Somon aborde également des thématiques actuelles, notamment avec des personnages issus de différentes orientations sexuelles – hétéro, homo, bi, transgenre, queer, pansexuel – ce qui donne une dimension inclusive au roman. Il y a une réelle volonté de transmettre un message de bienveillance et de tolérance à travers cette diversité, ce qui est appréciable, même si cela ne prend pas toujours une place prépondérante dans l'intrigue.
Les personnages, dans leur ensemble, sont bien construits, souvent torturés par un passé lourd. Cependant, à de nombreux moments, les retours dans le passé des personnages semblent plus alourdir le récit qu’apporter des éléments pertinents à l’enquête. Cela casse parfois le rythme et détourne l’attention des enjeux centraux, notamment la recherche du meurtrier.
En ce qui concerne l'enquête elle-même, j'ai eu du mal à suivre son déroulement. Les pistes empruntées sont parfois confuses et manquent de cohérence. J'ai peut-être bugguer de temps en temps, mais je m'attendais à plus de fluidité dans l'intrigue.
La dernière partie mettant l'accent sur l'Irak, la Syrie, la propagande djihadiste, les violences gratuites, les exécutions et l’état islamique sont tendance et bien mis en avant. On sent que l’auteur a voulu explorer ces sujets de manière approfondie, j'ai trouvé que le mélange avec la trame initiale bien dosé et agréable au suivre. Le focus sur les violences extrêmes et la radicalisation religieuse finit par dominer, au point de presque submerger l’enquête criminelle de départ.
Ichthus propose une exploration des conflits intérieurs et des motivations humaines, enveloppée dans une atmosphère sombre et pesante. Le roman réussit à tenir en haleine jusqu'à la dernière page, offrant une réflexion sur les limites de la foi et de la moralité.
Extraits Roman : Ichthus • Frederic Somon
Alors, plus rien ne les retenait et la haine qu’ils avaient jusque-là contenue [...] se déversait comme un fleuve indompté. Ils jouissaient alors d’asservir l’autre et se régalaient en se nourrissant de ses cris et de sa souffrance. Et le sang appelait toujours le sang. Libérés de leurs chaînes, les monstres révélaient leur insatiable et terrifiant appétit.
Dominique a oublié de vous préciser que nous avons découvert un dessin gravé peut-être très récemment sur le dernier banc de la nef, dans la même travée que celle où le curé a été ligoté et torturé. Grosso modo, ça représente la silhouette très stylisée d’un poisson avec en plus une inscription étrange : V45
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