HUIS CLOS INSULAIRE :
DÉCOUVREZ LES GENS DU BOUT
Je vous propose de découvrir Les gens du bout de Jallia Russiali, un polar insulaire paru chez M+ Éditions. Sur l'île du Bout, un petit territoire isolé au large de La Rochelle, la tranquillité des habitants est bouleversée par un meurtre inattendu. L'auteure nous plonge dans une enquête où les secrets enfouis refont surface, mettant à l'épreuve la cohésion de cette communauté. Le roman nous entraîne dans un huis clos captivant.
Chronique Roman : Les gens du bout • Jallia Russiali
Sur une petite île de l’Atlantique, isolée du continent, la tranquillité apparente vole en éclats lorsqu’un corps est retrouvé flottant dans un marais, à l’entrée du village du Bout. Il s’agit d’Émile Lechevalier, un employé municipal discret, au physique abîmé par la vie, que tout le monde connaît. Sa mort, brutale, violente et ciblée – trois coups de couteau en plein cœur – ne laisse aucun doute : ce n’est pas un accident, mais une exécution.
Envoyé sur place à contrecœur, le capitaine Achille Lecoq, vétéran de la brigade criminelle de La Rochelle, est chargé de l’affaire. Grincheux, misogyne, à l’aube de la retraite, il se voit affublé d’une jeune recrue, Malvina Levasseur, dont l’attitude provocante semble cacher un dessein plus trouble. En réalité, Malvina a pour mission secrète de le pousser à la faute, afin de précipiter son éviction des forces de l’ordre.
Très vite, l’enquête se heurte au mutisme et à la solidarité tacite des insulaires. Chacun cache quelque chose. L’île semble refermée sur ses secrets, ses vieilles rancunes, ses non-dits. L’institutrice du village se révèle être une mémoire vivante précieuse, tandis que les commerçants et voisins s'expriment à demi-mot. Les langues ne se délient qu’à demi, les pistes sont brouillées, et Lecoq a le sentiment que tout le monde lui ment ou le manipule.
L’ambiance devient de plus en plus pesante et confinée. Le huis clos insulaire se resserre. Des lettres anonymes circulent, les rumeurs enflent, et un mystérieux narrateur en voix off – que nous identifions peu à peu comme le meurtrier – ajoute une touche de tension.
Lecoq, pourtant méthodique, sent que l’enquête lui échappe. Les fausses pistes s’accumulent, les preuves s’effacent, et même l’arrestation d’un suspect ne suffit pas à le convaincre. Le capitaine doute, perd patience, mais continue, porté par son instinct. Il devra gratter sous la surface lisse des apparences, réveiller les fantômes du passé et démêler un enchevêtrement de rancunes, de manipulations et de mensonges bien ancrés dans le terreau de cette communauté soudée.
Avis Roman : Les gens du bout • Jallia Russiali
J’ai passé un très bon moment de lecture avec Les gens du bout de Jallia Russiali, un polar en huis clos sur fond d’ambiance insulaire. Le rythme est volontairement posé, ce qui pourrait freiner les amateurs de thrillers plus nerveux, mais cela colle parfaitement à l’atmosphère du roman. L’île devient presque un personnage à part entière, avec ses secrets, ses habitants qui se referment comme des huîtres. Ce cadre confiné ajoute une vraie tension, feutrée mais constante.
Le capitaine Lecoq, bourru, misogyne, totalement dépassé par la technologie, incarne à merveille l’archétype du flic à l’ancienne type Maigret. Et malgré – ou grâce à – ses défauts, on s’y attache rapidement. Son langage cru, sa mauvaise foi assumée, ses méthodes un peu rugueuses… tout cela le rend authentique et, paradoxalement, attachant. Il forme un duo étonnant avec le lieutenant Thomas Lecœur. Ce duo fonctionne très bien, et j’aimerais beaucoup les retrouver dans une autre enquête.
L’histoire est bien ficelée, avec une construction solide et des rebondissements savamment dosés. La plume de Jallia Russiali est douce, fluide, agréable à lire et donne un bel équilibre à l’ensemble. Si l’on peut reprocher un léger manque de dynamisme par moments, cela s’explique par le cadre resserré du récit. En somme, un très bon roman policier, à la fois humain et immersif, porté par des personnages qu’on espère revoir très vite.
Extraits Roman : Les gens du bout • Jallia Russiali
Je suis la terreur dans ton regard, je suis le goût d’acide au fond de ta gorge. Avant moi, tu n’avais jamais vraiment connu la peur… Celle que je lis sur ton visage est sans fond. Des abysses d’effroi t’engloutissent au moment où je m’approche de toi. Tu te traînes comme une bête à mes pieds. Tu me dévisages. Que vois-tu ? Mon visage t’est-il familier ? Cherches-tu à me reconnaître ? Tu ne le pourras pas, tu n’en auras pas le temps. La mort t’aura emporté bien avant.
Le jeu peut à présent commencer. Ils sont là, à te contempler, penchés sur ton corps raide et froid, à t’accorder tous les égards que tu ne mérites pourtant pas. Si cela ne tenait qu’à moi, on te jetterait aux chiens ou à la fosse commune, sans cérémonie ni falbalas. Ils sont venus nombreux pour tenter de comprendre. Que savent-ils de toi au juste ? Pas autant que moi. Ils pleurent, ils reniflent, laissent éclater leur chagrin. S’ils savaient ! Leurs yeux resteraient secs comme les miens, et ils iraient cracher en rangs serrés sur ta dépouille. Mais il faudra du temps pour creuser sous la surface et découvrir quelle pourriture tu étais. Ici tout le monde semble encore t’apprécier. Patience…
Évidemment que c’est quelqu’un d’ici. Vous imaginez un tueur à gages traverser toute la Grande Île alors que le soleil n’était même pas levé, prendre le premier bac au petit matin et s’enfoncer les pieds dans le marais, juste pour zigouiller un employé municipal dont tout le monde se cogne ?
Quel délice de les voir se moucher sur tes cendres ! Ils bavent, ils grognent, ils reniflent. Mais au fond, personne ne peut dire du bien de toi. Le larbin de tous, l’ami de personne, c’est ce que tu étais. Ta mort leur profite. Je leur ai rendu service. Qui voudra bien se l’avouer après avoir fini de te pleurer ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci pour votre commentaire. Bonne journée