UN POLAR BRETON À HAUTE TENSION
LES ÂMES SOMBRES DE LA RADE
Plongé au coeur d'une Bretagne sombre et tourmentée, Les âmes sombres de la rade de Pascal Tissier entraîne le lecteur dans une enquête où les drames du passé viennent fissurer le présent. Entre retour aux sources douloureux, secrets de famille et menaces qui se resserrent, le roman tisse un polar profondément humain, chargé d'émotions brutes et de tension psychologique. Ce récit, où chaque personnage semble lutter contre ses propres fantômes, installe une ambiance lourde, presque poisseuse, qui accompagne le lecteur jusqu'à la dernière page.
Chronique Roman : Les âmes sombres de la rade • Pascal Tissier
L'histoire débute en 1998 dans la grande propriété des Beaupré, où vivent Antoine de Beaupré, Gaëlle de Beaupré, leurs enfants Florian et Céline, ainsi que les gardiens du domaine, Yann Marec, Rozenn Marec et leurs enfants Alan et Chloé. Les deux familles évoluent côte à côte, mais dans des mondes sociaux très différents, et les enfants Marec vivent dans l'ombre d'une famille bourgeoise qui ne leur laissera aucune place réelle.
En 2001, le récit bascule. Alan Marec est désormais commandant. Il revient à Brest après une carrière secouée par des drames personnels dévastateurs. Son père Yann est mort, et surtout, son fils a disparu tragiquement dans l'océan. Ce traumatisme, jamais refermé, a bouleversé la psychologie d'Alan: il est devenu un homme rongé par la culpabilité, isolé, parfois dur avec ses proches. Un policier épuisé mais profondément humain, qui tente encore de tenir debout malgré une douleur permanente.
A Brest, Alan forme un binôme soudé avec Loïc Durieux, et s'apprête à affronter un passé dont il n’a jamais guéri.
L'enquête commence avec la découverte du corps d'une célèbre violoniste, Charlotte de Monset, noyée dans une piscine. Le lieu du drame n'est autre que la maison où Alan a grandi. Une coïncidence brutale qui ravive des souvenirs qu’il aurait préféré enfouir. Les premières analyses révèlent rapidement que Charlotte a été assassinée. La piste se resserre autour de son mari, Florian de Beaupré, devenu un homme ruiné, et désespéré, qui finit par avouer le meurtre avec préméditation.
La juge Tessa, qui ordonne son incarcération, devient à son tour une cible: elle reçoit des menaces de mort. Cette femme forte en apparence dévoile à Alan un visage ébranlé, profondément affectée par ces intimidations visant également son père. La situation prend un tournant plus inquiétant encore lorsqu'une lettre anonyme relie ces menaces à un certain Varga, un homme déjà repéré en train de filer Alan.
Dans cette atmosphère explosive, Alan rouvre malgré lui la porte à son passé en cherchant des informations sur Céline de Beaupré, son amour d'enfance. Lorsqu'il la retrouve, il découvre une femme brisée: Céline est devenue une épouse battue, violentée par son mari Wilbert, homme de main de Florian. Elle élève seule sa fille, Jade, dans la peur. Sa psychologie est marquée par la résignation, la douleur et une tristesse profonde. Elle n'a plus rien de la jeune fille lumineuse qu'elle était.
Tout bascule lorsque Wilbert récupère une mallette appartenant à Florian lors de sa mise en détention. Une mallette que des mafieux russes cherchent désormais à récupérer à n'importe quel prix. Cette pièce devient le point central d'une spirale de violences: accidents, disparitions, morts, menaces... Une cascade d'événements qui s'abat sur Alan et Céline, les ramenant dans un engrenage où chaque pas peut être fatal.
Alan, hanté par les pertes qu'il a subies, vacille à la limite de la légalité pour protéger Céline et Jade. Leur passé commun se transforme en ancre émotionnelle, mais aussi en fracture, tant les années les ont meurtris. Entre vengeance, instinct de survie et amour impossible, ils avancent au coeur d'un labyrinthe où chaque révélation aggrave le danger.
Reste la question essentielle: que contient cette mallette pour déclencher une telle déferlante de violence et pousser les Russes à tout détruire sur leur passage? Et surtout: Céline et sa fille auront-elles une chance d'échapper à cette traque meurtrière?
Avis : Les âmes sombres de la rade • Pascal Tissier
Dans Les âmes sombres de la rade, les thèmes abordés se mêlent étroitement: violence latente, drames familiaux, dépendances, menaces de mort, corruption, trafics, abus conjugaux et poids des secrets. Le roman propose une ambiance tendue, presque suffocante, où chaque chapitre maintient une pression constante.
Le rythme est constant et efficace: une succession d’événements qui s’enchaînent, alimentés par l’urgence permanente de la situation. On ressent la violence, l’adrénaline et la tension qui ne retombe pas.
Alan Marec est un personnage extrêmement attachant, malgré sa carapace. Marqué par des tragédies irréparables, il lutte entre devoir, colère et besoin viscéral de protéger ceux qu’il aime encore. Sa profondeur humaine donne au roman une dimension émotionnelle puissante. Céline, quant à elle, incarne la chute et la résilience: femme blessée, prisonnière d’une vie de violence, tentant simplement de sauver sa fille. Ses retrouvailles avec Alan sont une onde de choc, révélant deux êtres détruits qui tentent de se raccrocher à ce qu’il reste d’eux.
Ce roman se lit comme une course contre la montre, une tempête où chaque décision peut avoir des conséquences fatales. La noirceur omniprésente, l’atmosphère lourde et la tension psychologique en font un polar efficace et humain.
Extraits : Les âmes sombres de la rade • Pascal Tissier
Reprendre le travail après plusieurs semaines d’arrêt par une affaire de noyade a de quoi me désarçonner. D’autant que je ne parviens toujours pas à me défaire du sentiment de culpabilité lié à la disparition de mon petit Tom dans les eaux céruléennes de l’Atlantique. Ma sœur et le psychiatre qu’elle m’avait déniché ont tout tenté pour me convaincre que ce drame aurait eu lieu quoi qu’il arrive. Mais je continue à m’en vouloir. J’aurais dû être plus vigilant. J’étais pourtant bien placé pour savoir que, lorsqu’un contrat pèse sur un flic ou sa famille, il faut impérativement les mettre à l’abri.
Cette première semaine au commissariat de Brest est passée à une vitesse folle. Il est vrai que je n’ai pas chômé. Les interventions se sont enchaînées à une telle cadence que j’ai presque réussi à faire le vide dans mon esprit. Cela fait également partie des conseils du docteur Fabre. Se tuer à la tâche est, selon lui, le meilleur remède psychologique. J’imagine aisément que Loïc doit commencer à regretter d’être mon adjoint. Je suis devenu insatiable du boulot et il m’arrive fréquemment de me passer de ses services afin de le laisser souffler un peu et de s’occuper de l’envahissante paperasse. Le commissaire Lagerie apprécie modérément mes escapades en solitaire et me rappelle souvent à l’ordre.


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