L’ENFER DES PARENTS D’ENFANTS
DISPARUS DANS LE JOURNAL INTIME
Au premier abord, Le journal intime de Malik Grillon-Mixtur semble s’engager sur la voie d’un roman d’escrocs modernes, flirtant avec la cybercriminalité et l’intelligence artificielle. Pourtant, après quelques chapitres, le récit bascule totalement. L’auteur délaisse l’univers des arnaqueurs pour plonger dans une affaire bien plus humaine, déchirante et tragique : la disparition d’une adolescente, Alicia Montesquieu. Ce basculement subtil transforme le roman en un thriller psychologique et policier, où la douleur du deuil, la culpabilité et la quête de vérité prennent toute la place.
Chronique : Le journal intime • Malik Grillon-Mixtur
Au cœur de Le journal intime, Luc Parisi, surnommé “l’arnacœur de pierre”, s’impose comme un escroc froid et méthodique. Aux côtés de son complice Bailey, il imagine une nouvelle forme d’extorsion mêlant technologie et cruauté : grâce à l’intelligence artificielle, ils reproduisent les voix d’enfants disparus pour faire croire à leurs parents qu’ils sont encore en vie. Ces faux enregistrements deviennent des appâts émotionnels pour soutirer des sommes astronomiques à des familles fragilisées.
Leur première victime, Élise Faberger, reçoit la voix de son fils Matias, disparu depuis trois ans. Rongée par le manque et la douleur, elle s’accroche désespérément à cet espoir. Luc et Bailey en profitent, la manipulant jusqu’à l’épuisement.
La deuxième victime de ce réseau d’escroquerie est Céline Montesquieu, mère d’Alicia, une adolescente de quatorze ans disparue cinq ans plus tôt. Mariée à Gustave Montesquieu, un industriel richissime, Céline vit recluse dans sa douleur, tandis que son ex-mari, lucide et pragmatique, soupçonne immédiatement une fraude. Refusant de payer, il contacte le pôle des affaires non résolues de Nanterre, spécialisé dans les cold cases.
Les enquêtrices Sabine Boulanger et Samantha Sébastopol reprennent le dossier d’Alicia, épaulées par Linda Petit, alias WonderLinda, experte en cybercriminalité. Ensemble, elles fouillent le passé, explorent chaque piste et décortiquent les moindres incohérences d’une enquête négligée.
Mais sous la surface, les secrets sont nombreux : Céline, épuisée et en dépression, vit enfermée dans sa culpabilité. Gustave, quant à lui, cache un secret insoutenable, il sait ce qu’il est advenu de sa fille, mais a choisi le silence pour protéger son épouse d’une vérité qu’elle ne pourrait supporter.
Ce roman devient alors une plongée dans la douleur d’une famille détruite, dans le mensonge et les faux-semblants. Les enquêtrices se heurtent à un mur d’omissions, de silences et de culpabilités croisées. Cette enquête, laissée en suspens depuis cinq ans, va peu à peu faire vaciller les certitudes et révéler des vérités enfouies.
Avis : Le journal intime • Malik Grillon-Mixtur
J’ai d’abord craint que l’histoire reste focalisée et stagne avec “l’arnacœur de pierre” dans la première partie pour ne dévoiler que cet aspect froid et calculateur des escrocs. L’auteur maîtrise les émotions : chaque douleur, chaque silence pèse. Les scènes d’enquête sont crédibles et captivantes, sans temps mort. La psychologie des personnages, même celle des criminels, est travaillée avec finesse. On ressent la détresse des mères, la tension des policiers et le désarroi des coupables.
Quelques regrets : l’histoire d’Élise et du petit Matias, esquissée au début, reste sans véritable conclusion. On aurait aimé savoir ce qu’il advient d’eux. Je trouve que la couverture reflète mal l'ambiance du roman. Quant à la fin, elle laisse une impression de suspension, comme si une suite était encore possible.
Malgré cela, Le journal intime est un thriller humain, mêlant douleur, secrets et quête de justice dans un équilibre parfait entre émotion et tension.
Extraits : Le journal intime • Malik Grillon-Mixtur
Sans savoir pourquoi, je me remémorai alors cette journée folle et je n’avais qu’une envie : la coucher sur le papier de mon journal intime. Mais ce n’était pas possible. C’était lui qui l’avait en sa possession.
Ainsi, l’arnacœur de pierre devait trouver le moyen de gagner autant de fric, mais avec une équipe réduite et en prenant encore moins de risques. Et ce moyen, il finit par le dénicher en espionnant une discussion entre deux détenus qui évoquaient un sujet extrêmement intéressant : l’intelligence artificielle. En faisant ses propres recherches par la suite, il comprit vite que l’utilisation de cet outil ultrapuissant lui permettrait d’atteindre tous ses objectifs. Il arriva cependant rapidement à la conclusion qu’il ne pourrait pas posséder une maîtrise technique de la technologie. Il décida de faire appel à un membre fiable de son exéquipe, Bailey.
Peut-être voulait-il la pousser à bout psychologiquement, la rendre malléable pour qu’elle puisse lui donner la plus importante somme possible. Si c’était son intention, c’était plutôt réussi. Depuis qu’elle avait consulté le mail, Élise n’avait pas dormi une seule seconde. Le stress qui pesait sur elle l’enserrait dans un étau duquel elle n’arrivait pas à se défaire. Elle était éreintée, épuisée, exténuée, mais elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. La peur de ne pas être devant son écran au moment où elle recevrait le mail la tenait éveillée.
Vous ne savez pas ce que ça fait de guetter le moindre coup de téléphone ou le moindre mail de vos services en espérant de bonnes nouvelles. Vous ne savez pas ce que cela fait d’attendre jour et nuit, d’attendre encore et encore le retour de sa fille. Vous ne savez rien du tout ! conclut-elle en se levant de sa chaise. Elle s’éloigna quelques mètres des deux officières, le dos tourné. Tout ça n’était donc qu’une mascarade. Ces enfoirés avaient profité de sa crédulité pour lui extorquer de l’argent. La voix appartenait à Alicia, mais ce n’était pas sa fille qui lui avait dit : « Tu me manques. » à de si nombreuses reprises, ou « Ne t’inquiète pas maman, je suis sûre que tout finira par rentrer dans l’ordre. » C’était une intelligence artificielle contrôlée par des monstres. Comment pouvait-on agir ainsi ? Comment pouvait-on traiter des gens de la sorte ? Pour de l’argent ? Juste pour ça, alors que, si elle pouvait, elle ferait don de toute sa fortune pour revoir sa fille. Si elle était toujours en vie…
Mais je souffre ; les personnes comme moi souffrent, car nous avons, malgré nous, des pulsions inadaptées au bon fonctionnement de la communauté. Nous sommes des carrés qui doivent entrer dans des ronds ! On nous traite de malades, mais notre pathologie est le fruit d’une construction sociale. Dans le monde, la majorité sexuelle varie de onze à vingt et un ans, ce qui signifie que je pourrais être pédophile, un malade, si j’avais une relation charnelle avec une gamine de quatorze ans en France, alors que j’adopterais un comportement parfaitement légal dans d’autres pays d’Amérique latine. N’est-ce pas hypocrite ?


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