8,2 SECONDES : LA COURSE CONTRE
LE TEMPS DE MAXIME CHATTAM
Chronique Roman : 8,2 secondes • Maxime Chattam
Le roman se déroule sur deux axes : d’un côté Constance, scénariste d’une quarantaine d’années, vient de perdre son mari Tom et son fils Lenny dans un tragique accident. En deuil, elle fuit Brooklyn pour s’installer dans un chalet isolé qui surplombe le lac Skaneateles, à la frontière des États-Unis et du Canada. Elle cherche un refuge pour réfléchir à sa vie : continuer ou s’arrêter. Son isolement est total, elle a coupé les ponts, son métier, ses amis... Elle explore sa douleur, ses doutes, et au fond essaie de redonner un sens à son existence.
Un jour, en fouillant dans la cave, Constance découvre une vieille malle en bois contenant un crâne humain. Ce choc relance chez elle un souffle d’activité : elle s’investit dans le "petit challenge" de réussir à ouvrir un coffre en métal lié à ce crâne. Cette mise en mouvement lui donne une raison de se tenir debout.
De l’autre côté, à New York, May Malkasian, inspectrice au 6ᵉ commissariat de Manhattan, est appelée sur une scène d’horreur : une femme a été torturée, massacrée, dans un lieu choisi avec soin, sans commerce à proximité, pas de caméra. Le tueur en série, connu sous le nom de GML, pour Grand Méchant Loup est redoutable. Il a opéré huit victimes en cinq ans, sans laisser d’indices, victime sans profil type. May mêne l'enquête avec son co-équipier Gerry Alexander, un flic chevronné, bedonnant, taciturne, réputé pour son sale caractère mais aussi pour sa perspicacité.
May va devenir "auxiliaire" dans l’enquête du GML. Elle arpente le quartier, interroge les passants, sonne aux portes d’immeubles, scrute les environs : elle se doit de dénicher la moindre empreinte, le moindre détail invisible. Pendant ce temps Constance remue le passé, soulève des secrets, le crâne est le point de départ d’un engrenage.
Progressivement, l’intrigue met en lumière que Constance et May ne sont pas liées par hasard : un secret commun les relie… et les menace. Le récit alterne entre les deux femmes, entre New York et les grands lacs frontaliers, entre enquête policière implacable et survie émotionnelle d’une femme brisée. Le titre "8,2 secondes" : C’est le temps qu’il faut pour tomber amoureux, mais également le temps qu’il faut pour mourir.
Avis Roman : 8,2 secondes • Maxime Chattam
À travers ce roman, je ressors à la fois troublée et captivée. Les thèmes du deuil, de la quête de sens et de la violence latente montent en puissance au fil des pages.
Lorsque j’ai découvert 8,2 secondes, j’ai d’abord été touchée par la fragilité de Constance : cette femme à rebours de la séduction facile, qui porte un immense vide et tente de se réinventer. La partie qui lui est consacrée est assez longue et n’apporte pas de réelle tension au début de l’histoire. Les chapitres la concernant sont plus posés que ceux dédiés à l’enquête de May, ce qui crée parfois une certaine lassitude en ouverture de roman.
Puis vient l’immersion dans l’enquête de May, précise, méthodique, implacable : une partie qui tient bien plus en haleine. Le contraste entre ces deux trajectoires donne une vraie force au récit. L’auteur installe une tension douce-amère : entre vie et mort, amour et horreur, repos et course contre la montre.
Plus le roman avance, plus j’ai apprécié son rythme : chaque chapitre impose une montée en intensité, un suspense, cette envie irrésistible de tourner la page. L’atmosphère est finement travaillée : New York sous tension, l’isolement du chalet face aux lacs frontaliers, un secret qui relie deux existences. En 8,2 secondes tout peut être bouleversé.
C'est un roman qui mêle l’émotion à l’adrénaline et laisse une empreinte. Un bémol toutefois : on attend encore de retrouver la “patte” de l’auteur, celle de ses romans les plus sombres et déstabilisants. Ici, on en reste un peu éloigné, mais c’est un pas supplémentaire vers ce retour tant espéré. Après Lux et Prime Time, on ne peut qu’apprécier ce doux glissement vers des intrigues plus noires. Je recommande vivement ce roman à celles et ceux qui aiment les thrillers psychologiques empreints d’humanité et de ténèbres.
Extraits Roman : 8,2 secondes • Maxime Chattam
S'immerger dans le cocon de son enfance, de ses origines, pour savoir ce qu'elle devait faire. Continuer ou arrêter. Et pourquoi. Une décision cruciale. Déterminante. Elle n'avait plus droit à l'erreur et le savait parfaitement. Constance venait ici pour effectuer un choix complexe qu'elle résumait en deux verbes. L'un était déclinable à l'infini; l'autre, irrémédiable. Vivre ou mourir.
Mais toujours la même antienne: l'existence n'était plus du tout la même et et aucun retour en arrière ne serait possible. Avec leur disparition, un filtre était tombé sur le monde, qui était plus terne, plus lointain, plus ennuyeux, plus cruel. C'était comme si on lui avait extirpé les dernières bribes de rêve qui perduraient encore un peu de son enfance, ces élans de scintillements qui donnaient à la vie une touche magique, l'évocation de l'impossible. Avoir perdu son fils et son mari, c'était se confronter une fois pour toutes à la certitude que l'impossible ne l'est plus. Qu'il n'existe plus. Parce qu'ils ne reviendraient jamais. Il ne reste aux survivants que la réalité de l'absence définitive. Aucune autre option. Aucune. Absolument aucune.
GML ne laisse pas d’indices, il est d’une prudence exceptionnelle, il ne laisse rien au hasard. Il a choisi ce lieu aussi pour la rue. Je suis allée vérifier, et il n’y a aucun commerce entre les deux rues qui encadrent celle-ci, donc aucune caméra. Il savait qu’il pouvait venir, commettre son crime sans qu’on puisse l’identifier. Lorsqu’il chasse, la proie est aussi importante que l’environnement. C’est pour ça qu’on ne l’a pas encore arrêté. Peut-être même qu’il cherche d’abord un quartier où il sait qu’il ne risquera rien, et une fois familiarisé, il y guette une victime.
Constance soupira. Aucune larme, aucun creux dans le ventre, juste la lucidité sèche et cruelle de se résoudre au manque définitif. Le plus difficile dans le deuil était d’accepter l’absence irrémédiable. Qu’il n’y aurait plus jamais de conditionnel, seulement un passé imparfait qu’on ne pourrait jamais corriger, un passé intérieur tant que perdureraient les souvenirs. Constance était terrifiée à l’idée d’oublier leur voix, leur odeur, ces doses d’eux qu’elle ne pouvait plus s’injecter pour les faire vivre à l’aune de ce qu’ils avaient été et non de ce qu’elle croyait se remémorer.


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