À LA CROISÉE DES DESTINS
CELLES QUI SORTAIENT DE L'OMBRE
Chronique : Celles qui sortaient de l'ombre • Christophe Vasse
Quentin, membre de l’Office Français de la Biodiversité dans les Pyrénées, découvre des ossements humains grâce à son drone. Les restes, ceux d’une fillette d’environ huit ans, sont éparpillés autour d’une boîte rouge enfouie dans la neige. Marc, un enquêteur chevronné de la gendarmerie de Toulouse, est chargé de l’affaire. Persuadé que la vérité sur la mort de cette enfant est essentielle, il s’engage dans une enquête complexe.
En parallèle, Gabrielle, ancienne partenaire de Marc et femme au caractère insaisissable, est en fuite après avoir tué un homme. Marc, tiraillé entre ses sentiments pour elle et son devoir, ne cesse de s’interroger sur ce qui aurait pu être différent s’il avait osé lui avouer son amour avant son départ.
Sofia, jeune femme de 21 ans souffrant d’épilepsie et d’agoraphobie, est hantée par le mystère entourant la disparition de son père. Entre appels anonymes et filatures, elle découvre que son père, supposément disparu dans un naufrage, menait une vie bien différente de celle qu’elle imaginait.
Enfin, dans les années 1980, Zabel, une orpheline arménienne dotée d’une intelligence hors du commun, devient cobaye dans un institut aux méthodes scientifiques discutables. Les expérimentations menées sur des enfants surdoués y flirtent dangereusement avec les limites de l’éthique.
Les personnages évoluent dans des décors qui portent les cicatrices du temps, où les secrets enfouis refont surface. La vérité, lorsqu’elle éclate, révèle des liens inattendus entre les protagonistes et expose les failles d’un système prêt à sacrifier des vies pour la science.
Celles qui sortaient de l’ombre fait référence non seulement aux personnages féminins du roman mais aussi à une quête plus large de vérité et de justice. Le titre est à la fois une promesse et une révélation : l’ombre ne peut durer éternellement.
Mon avis • Celles qui sortaient de l'ombre • Christophe Vasse
Celles qui sortaient de l'ombre est le troisième volet de la série de Christophe Vasse, suivant Celle qui ne pleurait jamais et Celle qui ne pardonnait pas. Ce statut de troisième tome se ressent dans l’intrigue, où certains éléments, comme la présence de personnages tels que Natalie, semblent directement liés aux romans précédents, ce qui peut laisser une impression d’incomplétude pour les nouveaux lecteurs.
Le mélange des temporalités et des personnages donne une excellente dynamique au récit. Les chapitres alternent habilement entre le passé et le présent, souvent marqués par des passages en italique, ce qui permet une montée en tension progressive. Cependant, cette structure, bien qu’efficace, peut désorienter au départ, d’autant que l’on peine à percevoir le lien entre les différents protagonistes : patients d’un institut mystérieux, une femme en cavale, un meurtre, une jeune fille orpheline…
L’écriture est soignée, avec des descriptions précises qui nous plonge dans l’ambiance oppressante de l’histoire. Les superpositions entre les deux époques, ainsi que les personnages fréquentant parfois les mêmes lieux, ajoutent une atmosphère irréelle et pesante. Néanmoins, ces descriptions, bien que maîtrisées, ralentissent parfois le rythme, en particulier dans les moments où l’action semble en suspens.
Les intrigues parallèles sont bien développées : Marc mène une enquête complexe en tant que gendarme, tout en cherchant à épauler Gabrielle, une femme qu’il aime mais qui a disparu dans des circonstances troublantes. Sofia, de son côté, explore les mensonges de sa mère pour découvrir la vérité sur la disparition de son père. Chaque personnage agit de manière indépendante, mais leurs quêtes personnelles finissent par s’entrelacer subtilement, donnant à l’intrigue une cohésion remarquable.
Le roman explore aussi des réflexions sur les dérives éthiques, notamment à travers les traitements imposés aux enfants dans l’institut des années 1980. Ces expérimentations sont au cœur des questions posées par l’auteur : comment de telles pratiques ont-elles pu être tolérées ? Marc lui-même s’interroge sur la passivité des témoins de l’époque et sur la tendance qu’ont les gens à détourner les yeux face à des vérités dérangeantes.
Malgré le passage des années, le roman montre que les blessures, les erreurs et la culpabilité laissent des traces indélébiles. Christophe Vasse illustre parfaitement cette idée dans une enquête et une histoire où, à mesure que les liens entre les personnages se révèlent, tout prend sens.
En conclusion, Celles qui sortaient de l'ombre est un thriller psychologique bien construit, où le passé et le présent s’entremêlent pour offrir un récit captivant. Toutefois, pour une expérience complète, il est préférable d’avoir lu les deux premiers tomes afin de mieux comprendre les enjeux entourant certains personnages et leur passé. Chose qu'évidemment je n'ai pas faite ;) Un roman qui ravira les amateurs de mystères et de récits à la frontière entre le drame humain et la critique sociale.
Extraits • Celles qui sortaient de l'ombre • Christophe Vasse
J’ai tué un homme. Claire s’attendait à tout sauf à ça. L’idée que Gabrielle plaisante ne lui traverse même pas l’esprit, mais l’espace d’un instant, elle se dit qu’elle a mal entendu. Cela ne dure pas longtemps, une fraction de seconde à peine, car ces quelques mots semblent prendre tout leur sens à la lumière de l’étrange scène qui se déroule sous ses yeux depuis l’arrivée de son amie, comme si la dernière pièce d’un puzzle venait de se mettre en place.
Tu sais ce que je pense de la façon dont fonctionne la recherche médicale, et de ses rapports à l’industrie pharmaceutique. Ici, je maîtrise tout, et je ne suis pas sous influence. Pour autant, je ne travaille pas seul, je suis bien entouré, de personnes qui sont au moins aussi compétentes dans leur domaine que je le suis dans le mien, de personnes qui ont la tête sur les épaules et qui ont une éthique ; de personnes qui sont tout aussi déterminées que moi à apporter des solutions, mais pas à n’importe quel prix, et surtout pas en faisant passer leur intérêt avant celui des patients.
Non, ce qui affole ainsi son cœur, c’est la peur. Car avec les soupçons qu’elle nourrit à l’égard de l’histoire de son père, un sentiment est en train de grandir en elle, l’angoisse impérieuse d’un danger imminent, entretenue par l’intrusion dans une église d’un homme en costume noir qui vous observe à la dérobée, par l’apparition d’un visage hostile au milieu de la foule, par une ombre qui disparaît derrière un rideau que l’on remet en place à la va-vite… La menace est immense, vertigineuse, et elle l’engloutira, elle, et toute sa famille.
On est sur la bonne voie » : c’est ainsi qu’il lui avait présenté les choses la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Tu parles… Un goût amer lui emplit la bouche ; savait-il déjà que c’était fini avec Magali ? Pourquoi ne lui a-t-il pas dit, en ce cas ? S’il l’aimait, pourquoi n’a-t-il pas saisi l’occasion ? Peut-être alors tout aurait-il été différent ? Elle n’aurait pas agi comme si elle n’avait plus rien à perdre et fait ainsi basculer bêtement sa vie. Elle n’aurait peut-être pas eu le sentiment d’être seule au monde…
Marc se fait la réflexion qu’aujourd’hui n’est pas bien différent d’hier. Les yeux se ferment quand l’esprit a décidé de ne pas voir. Le mystère qui entourait cet établissement érigé à l’abri des regards indiscrets suscitait des questions que l’on s’empressait d’oublier. Parce qu’on avait d’autres préoccupations, parce que quoi qui se tramât là-bas ne vous concernait en rien, ou tout simplement parce que les réponses qu’on obtiendrait nous renverraient au mieux à notre pusillanimité, au pire à une lâche indifférence.
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